Einstein et Euler mis à l’épreuve aux confins de l’Univers


Le cosmos est un laboratoire unique pour tester les lois de la physique, en particulier celles d’Euler et d’Einstein. Euler a décrit les mouvements des objets célestes, tandis qu’Einstein a décrit la manière dont les objets célestes déforment l’Univers. Depuis la découverte de la matière noire et l’accélération de l’expansion de l’Univers, la validité de leurs équations est mise à l’épreuve : sont-elles capables d’expliquer ces mystérieux phénomènes ? Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) a mis au point la première méthode pour le savoir. Il prend en compte une mesure inédite : la distorsion temporelle. Les résultats sont publiés dans Astronomie naturelle.

Les théories de Leonhard Euler (1707-1783) et d’Albert Einstein (1879-1955) ont révolutionné notre compréhension de l’Univers. Avec la célèbre équation qui porte son nom, Euler a donné aux scientifiques un outil puissant pour calculer les mouvements des galaxies dans l’Univers. Avec sa théorie de la relativité générale, Einstein a démontré que l’Univers n’est pas un cadre statique : il peut être déformé par les amas d’étoiles et les galaxies.

Les physiciens ont testé ces équations de toutes sortes de manières, qui ont jusqu’à présent fait leurs preuves. Cependant, deux découvertes continuent de mettre ces modèles à l’épreuve : l’accélération de l’expansion de l’Univers et l’existence de matière noire invisible, qui représenterait 85 % de toute la matière du cosmos. Ces phénomènes mystérieux obéissent-ils encore aux équations d’Einstein et d’Euler ? Les chercheurs ne sont toujours pas en mesure de répondre à cette question.

L’ingrédient manquant

« Le problème est que les données cosmologiques actuelles ne nous permettent pas de faire la différence entre une théorie qui casse les équations d’Einstein et une qui casse l’équation d’Euler. C’est ce que nous démontrons dans notre étude. Nous présentons également une méthode mathématique pour résoudre ce problème. C’est l’aboutissement de dix années de recherche », explique Camille Bonvin, maître de conférences au Département de physique théorique de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur de l’étude.

Les chercheurs n’ont pas pu faire la différence entre la validité de ces deux équations aux confins de l’Univers car il leur manquait un « ingrédient » : la mesure de la distorsion temporelle. « Jusqu’alors, nous ne savions mesurer que la vitesse des objets célestes et la somme de la distorsion du temps et de l’espace. Nous avons développé une méthode pour accéder à cette mesure supplémentaire, et c’est une première », précise Camille Bonvin.

Si la distorsion temporelle n’est pas égale à la somme du temps et de l’espace — c’est-à-dire le résultat produit par la théorie de la relativité générale — cela signifie que le modèle d’Einstein ne fonctionne pas. Si la distorsion temporelle ne correspond pas à la vitesse des galaxies calculée avec l’équation d’Euler, cela signifie que cette dernière n’est pas valide. « Cela nous permettra de découvrir si de nouvelles forces ou matière, qui violent ces deux théories, existent dans l’Univers », explique Levon Pogosian, professeur au Département de physique de l’Université Simon Fraser, au Canada, et co-auteur de l’étude. .

Vérification de la réalité

Ces résultats apporteront une contribution cruciale à plusieurs missions dont le but est de déterminer l’origine de l’expansion accélérée de l’Univers et la nature de la matière noire. Il s’agit notamment du télescope spatial EUCLID, qui sera lancé en juillet 2023 par l’Agence spatiale européenne (ESA), en collaboration avec l’UNIGE, et du Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI), qui a débuté sa mission de 5 ans en 2021 en Arizona. . Il y a aussi le projet international de radiotélescope géant SKA (Square Kilometre Array) en Afrique du Sud et en Australie, qui commencera ses observations en 2028/29.

« Notre méthode va s’intégrer à ces différentes missions. C’est déjà le cas pour DESI, dont nous sommes devenus des collaborateurs extérieurs grâce à ces recherches », s’enthousiasme Camille Bonvin. L’équipe de recherche a testé avec succès son modèle sur des catalogues synthétiques de galaxies. La prochaine étape consistera à le tester à partir des premières données fournies par le DESI, ainsi qu’à identifier les obstacles et à minimiser les éléments systématiques qui pourraient entraver son application.

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