Entre paranoïa et idées suicidaires, Ben Gordon raconte son effrayante descente aux enfers


Il y a deux ans, Ben Gordon semblait en pleine descente aux enfers, se faisant arrêter plusieurs fois en quelques mois. Dans une lettre publiée sur The Players’ Tribune, le meilleur sixième homme de l’année en 2005 évoque cette période particulièrement compliquée. En révélant que c’était encore plus grave qu’on pouvait l’imaginer.

« Il y a eu un moment où j’ai pensé à me suicider tous les jours pendant environ six semaines », décrit-il. « J’étais sur le toit de mon immeuble à quatre heures du matin, je faisais les cent pas jusqu’au bord de la corniche, je regardais par-dessus, je faisais les cent pas, je me disais que j’allais vraiment le faire. Je m’apprêtais à m’échapper de toute cette merde. »

« J’avais perdu ma carrière, mon identité et ma famille à peu près en même temps. J’étais maniaco-dépressif »

« C’était juste après ma dernière année dans la ligue, et je vivais dans une maison en pierre à Harlem. J’avais perdu ma carrière, mon identité et ma famille à peu près en même temps. J’étais maniaco-dépressif. Je ne mangeais pas. Je ne dormais pas. Et quand je dis que je ne dormais pas, c’était un tout autre niveau d’insomnie. Chaque nuit, je me réveillais à la même heure, comme une horloge. Et c’est à ce moment-là que les démons sortaient. Quand vous êtes debout toute la nuit, que le silence règne et que vous êtes seul avec vos pensées les plus profondes, c’est là que l’obscurité commence vraiment à envahir toute votre psyché. »

« C’est alors que la paranoïa et l’anxiété vous envahissent. »

« Elles sont sur vous. »

« J’ai commencé à avoir des crises de panique si intenses qu’elles avaient un poids tangible. Vous voyez ce que ça fait ? J’avais littéralement l’impression que cette cape noire s’était jetée sur moi, et que je suffoquais. Mais pas seulement physiquement. Mon âme s’étouffait. Tout ce que je pouvais faire pour soulager la pression, c’était de m’asseoir par terre et de crier à pleins poumons ».

Ben Gordon explique que depuis très longtemps, son cerveau peut se « mettre en boucle » sur certains sujets, répétant les mêmes questions à l’infini, créant un vortex duquel il a bien du mal à s’échapper.

« Si Dieu a tout créé, alors qui a créé Dieu ? » est la première question qui l’a mis dans cet état, alors qu’il était au catéchisme, enfant. « Tout d’un coup, c’est comme s’il n’y avait pas d’espace, pas de temps, pas de réalité. Vous êtes juste piégé dans ces pensées sans réponse. C’est juste mon mode par défaut. Même quand je suis dans ma zone normale, je ne suis jamais vraiment présent. Je remarque tout. Si nous sommes dans une pièce ensemble, je peux entendre le bourdonnement des lampes fluorescentes. Je peux voir ce que les gens font avec leurs mains, avec leur langage corporel. C’est comme si ma sensibilité de conscience était au niveau ultime. »

« Mais quand j’étais enfant, j’avais un exutoire. J’avais appris à canaliser toute cette énergie dans le basket. Au basket, l’obsession n’est pas une faiblesse. Le basket récompense l’obsession. »

« Le matin avant un match, j’avais l’habitude de m’asseoir dans une pièce calme, de fermer les yeux et de simuler les 48 minutes entières dans ma tête. Chaque moment. Le coup d’envoi, les temps-morts à la télévision, chaque petite chose »

Le basket offrait ainsi à Ben Gordon ce domaine qu’il pouvait contrôler, et sur lequel il pouvait focaliser toute son attention. Et les problèmes sont arrivés une fois qu’il n’a plus eu cet élément stabilisateur…

« Le matin avant un match, j’avais l’habitude de m’asseoir dans une pièce calme, de fermer les yeux et de simuler les 48 minutes entières dans ma tête. Chaque moment. Le coup d’envoi, les temps-morts à la télévision, chaque petite chose. »

« Mon esprit s’emballait, mais j’avais un cadre. J’avais quelque chose pour canaliser toute cette créativité et cette énergie. Puis j’arrivais sur le terrain, et c’était le quatrième quart-temps, et c’était serré, et nous étions réunis pendant un temps mort et je n’avais plus rien à dire […] Mais quand tu vis avec cette mentalité pendant plus de 30 ans de ta vie, et que tout d’un coup tu es en fin de carrière, et que tu n’as plus de minutes, et que tu as toute cette colère, cette douleur, cette peur et ces regrets que tu as intériorisés et compartimentés toute ta putain de vie, qu’est-ce que vous pensez qui va arriver ? »

Ce qui est arrivé, c’est cette descente aux enfers, dont Ben Gordon a finalement pu commencer à sortir grâce à ses passages devant la justice, et surtout cette thérapie réclamée par un juge, qui lui a permis de parler de ses problèmes, pour casser cette boucle qui l’entraînait vers le fond depuis la fin de sa carrière.

« L’objectif n’est pas forcément la perfection. Il peut simplement s’agir d’être en paix et en acceptation avec soi-même. Je sais que pour les athlètes en particulier, cela peut sembler être des conneries. Ça peut paraître soft. Nous sommes entraînés à penser de cette façon. C’est presque comme si on nous avait fait un lavage de cerveau. Mais la raison pour laquelle je vous raconte mon histoire, c’est que je sais qu’il y a des joueurs qui ont besoin d’aide. »

« Et à ces joueurs, je leur dirais simplement : Ne vous inquiétez pas. »

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