Ligue 1 : les coachs partent à la chasse aux portables dans les vestiaires


La scène a marqué de nombreux supporters de Toulouse. Dans les tribunes du Groupama Stadium de Décines, un spectateur filme le banc de touche du dernier de Ligue 1 lors du huitième de finale de Coupe de la Ligue entre les deux équipes fin décembre. La vidéo est formelle : posé à côté d’un remplaçant du club de Haute-Garonne, un téléphone portable retransmet un autre match de football, probablement le Clasico entre le FC Barcelone et le Real Madrid. Recadré par l’entraîneur de l’époque Antoine Kombouaré, le fautif a écopé d’une amende.

L’anecdote prête à rire, mais elle illustre le poids pris par les smartphones dans le monde du football professionnel. Certes, rien d’aussi envahissant que dans le cas toulousain. Mais récemment, c’est la plus grande star de notre Ligue 1, Neymar qui a expliqué avoir jeté un œil à son téléphone à la mi-temps d’un match à Lille en janvier (0-2). « J’ai été voir les messages sur les réseaux sociaux, j’ai vu que Kobe (Bryant) était mort », lance ce soir-là celui qui dédiera son deuxième but au défunt joueur NBA.

Au PSG, l’usage du portable dans les vestiaires n’est pas encadré par un règlement formel. Mais la politique varie selon les entraîneurs. En équipe de France, les Bleus ont interdiction de le sortir quand ils arrivent au stade et peuvent le rallumer seulement une fois le débriefing de Didier Deschamps terminé. Et hors de question d’amener son portable lors des entraînements à Clairefontaine. A Rennes, le club l’a banni de sa salle de soins. En Ligue 2, Caen impose à ses joueurs de le ranger à partir de 9h30. Le cas le plus extrême? Lens, où l’entraîneur Philippe Montanier a décidé que chaque matin, les smartphones devaient être récupérés par deux jeunes joueurs du groupe.

« Chaque fois que je rentrais dans le vestiaire, j’arrivais dans une pièce où chacun était avec son portable, explique le technicien à RMC. J’avais vingt joueurs qui ne se parlaient pas et qui étaient obnubilés par leur écran, soit pour jouer à un jeu vidéo, soit pour envoyer un message à la fiancée et aux parents. »

« Les écrans perturbent la préparation d’un match »

« Cette addiction au portable n’est pas nouvelle. J’ai même été confronté, voici plus de dix ans, à des joueurs de Ligue 1 accros aux paris sportifs, raconte Alain Perrin, ex-entraîneur de l’OM et de l’OL. Ils regardaient, à la mi-temps, les résultats des matchs sur lesquels ils avaient misé. J’ai dû mettre le holà et édicter des règles afin de bannir le portable dans les réunions collectives. »

Évidemment, il suffit de regarder autour de vous à la pause-café de votre boîte pour constater que le problème est loin d’être spécifique au football. « Un entraîneur qui interdit les portables pendant son briefing tactique, c’est comme un manager de la Défense qui demande à ses cadres de les mettre en mode avion le temps d’une réunion, souligne Dominique Boullier, professeur de Sciences-Po Paris et spécialiste du numérique. Comme dans une entreprise, un club de football se doit de manager l’attention de ses employés. Le téléphone est une fausse décontraction, ce n’est pas comme s’allonger dans un coin. Une personne laisse de l’énergie dedans en se concentrant sur des sollicitations à court terme. La grosse différence par rapport à il y a quinze ans, ce sont les smartphones qui, entre la vidéo et le web, multiplient les distractions. »

À quelques instants d’affronter le PSG, Faycal Fajr, ancien joueur de Caen, pianote sur son smartphone.Icon Sport/Anthony Dibon
À quelques instants d’affronter le PSG, Faycal Fajr, ancien joueur de Caen, pianote sur son smartphone.Icon Sport/Anthony Dibon  

À Lille, Christophe Galtier a récemment pris la décision de bannir tout smartphone une heure avant le coup d’envoi des matchs du vice-champion de France. Et se dit persuadé « qu’il va y avoir une évolution plus importante dans les saisons à venir pour que les écrans disparaissent des vestiaires ». « Les téléphones portables sont l’héroïne des années 2020. Je lis beaucoup sur ce sujet. Et je suis convaincu qu’il y a une addiction aux écrans, et que les écrans fatiguent les joueurs, et perturbent la concentration et la préparation d’un match », poursuit l’entraîneur du Losc.

A Lyon, des amendes pour les contrevenants

Dans plusieurs vestiaires, les staffs ont dû rappeler à l’ordre leur effectif. C’est le cas à Manchester City, où Pep Guardiola a exigé que Sergio Agüero et les autres Citizens ne prennent pas leur portable quand ils se font masser. « Je n’aime pas voir les voir envoyer des textos quand les kinés travaillent », justifie-t-il.

Nommé entraîneur de Nancy la saison dernière et désormais sans club, Alain Perrin a aussi dû « se battre avec les joueurs pour faire respecter les règles ». « Le téléphone devait être sur off dans les moments clés. En principe c’est interdit, mais certains mettent notamment leur appareil en mode vibreur pour passer inaperçu », décrit-il. Aujourd’hui, les entraîneurs se servent même du téléphone pour asseoir leur autorité. À son arrivée à Lorient en 2017, Mickaël Landreau a chassé les portables du vestiaire. À Lyon, Rudi Garcia se montre plus sévère dans le domaine que son prédécesseur Sylvinho, remercié en octobre.

« On sait qu’on ne doit pas l’utiliser. Personne ne sert de son téléphone en gros entre 45-50 minutes avant le début d’un match, au départ à l’échauffement, et 15 minutes après la fin du match », souffle un joueur lyonnais. Les contrevenants, à ce qui est une volonté de créer du lien et des discussions dans les rangs de l’OL, s’exposent à des amendes. Une sanction financière dont l’entraîneur rhodanien est familier. Lors de son passage à l’AS Rome, son habitude de solliciter l’avis de son adjoint en tribunes par téléphone avait coûté plus de 120 000 euros à son club, sanctionné par la fédération italienne.

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