Quand les gendarmes sont arrivés chez elle, le matin du 15 septembre 2017, Laurence Blerreau, enlacée au corps inerte, a crié : « J’ai tué mon mari, il voulait partir ! » Tuer plutôt que perdre son époux : l’affaire jugée à Lyon par la cour d’assises n’a pas dérogé au paradoxe actif des crimes conjugaux. Même dans le cas d’une femme, meurtrière de son mari.
Laurence Blerreau, 55 ans, a été condamnée à treize ans de réclusion criminelle pour homicide volontaire par conjoint, vendredi 7 février. Les deux jours du procès ont confirmé que la dispute et le refus de la séparation déterminent l’immense majorité des irrémédiables passages à l’acte, qu’ils soient commis par un homme ou une femme.
Laurence Blerreau, aide-ménagère, est entrée dans les statistiques des quelque 20 % d’auteurs féminins d’homicides conjugaux, selon l’« étude nationale sur les morts violentes au sein du couple » de la délégation aux victimes du ministère de l’intérieur. En revanche, elle ne fait pas partie des 48,4 % de femmes qui ont subi des violences de leur partenaire avant de les supprimer.
L’avocat général Henri de Poncinsa d’ailleurs voulu prémunir la cour du « syndrome Jacqueline Sauvage », faisant référence à cette femme graciée en 2016 par François Hollande, après sa condamnation à dix ans de prison. « Ce n’est pas la victime qu’on veut bien dire. Elle n’a jamais été frappée, elle a frappé son mari pour priver sa rivale du couple idéal », a-t-il estimé, parlant d’un « meurtre par intérêt ». Le magistrat avait requis une peine de quinze à dix-huit ans de réclusion contre Laurence Blerreau, qui a asséné trente-sept coups de couteau à son mari, dont vingt et un au niveau du cœur.
« J’étais en colère qu’il me trompe »
En dix ans de mariage, elle ne s’est jamais plainte de violences physiques. Mais personne ne se souvient l’avoir vu heureuse. L’agressivité semblait souder le couple asymétrique, formé d’un homme instable, rémouleur porté sur la bouteille, coureur de jupons dopé au Viagra, et de la femme qui faisait le double de son poids, complexée et maniaque, obligeant les visiteurs à chausser des pantoufles, dans l’entrée du loft rénové du village de Thizy-les-Bourgs, tout à l’ouest du département du Rhône.
Il passait son temps à l’humilier, elle ne cessait de le rabrouer. « Elle le piquait, elle répondait », a témoigné Amandine, la fille de Paul Chagny, qui décrit son père : « Il peut être doux, tendre, attentionné, et blessant, vexant. » Laurence Blerreau a résumé leur vie sexuelle : « Je ne me suis jamais refusée à lui. »