Boeing : comment le premier vol de Starliner a frôlé la catastrophe


Publié le 8 févr. 2020 à 10h00Mis à jour le 8 févr. 2020 à 10h33

Boeing a-t-il manqué de vigilance dans la conception de ses logiciels ? Dans l’aviation civile, la question est d’ores et déjà devenue un constat, alors que le 737 MAX est cloué au sol depuis près d’un an à la suite de deux accidents provoqués par un système informatique défaillant. Mais le constructeur doit désormais faire face au même problème
dans le domaine spatial.

Alors que le premier vol à vide de sa capsule Starliner
avait été interrompu prématurément,

en décembre, à cause d’un bug logiciel l’ayant empêché de rejoindre la station spatiale internationale (ISS), un comité de sécurité de la Nasa a révélé jeudi qu’un autre problème, bien plus grave, avait été détecté.

« Un problème de confiance »

« Si cette anomalie n’avait pas été corrigée au cours du vol, cela aurait pu déclencher un allumage intempestif des moteurs et entraîner une poussée incontrôlée au cours de la séparation du module de service [la partie contenant carburants et moteurs, qui est larguée avant le retour de la capsule, NDLR], avec le risque de provoquer un incident catastrophique », note le rapport, dévoilé par plusieurs médias américains,
dont le « Washington Post ».

Le module de service est la partie inférieure de vaisseau. Il est largué avant le retour de la capsule dans l'atmosphère terrestre.

Le module de service est la partie inférieure de vaisseau. Il est largué avant le retour de la capsule dans l’atmosphère terrestre.NASA/Cory Huston

« Le comité s’inquiète plus généralement de la rigueur avec laquelle Boeing mène son processus de vérification de ses logiciels, note encore le rapport. Avec un tel problème de confiance sur un vaisseau destiné à transporter des humains dans l’espace, il est recommandé une évaluation encore plus détaillée des actions correctives prises par Boeing. »

«Des pannes détectables »

Jusqu’ici, Boeing et la Nasa se voulaient rassurants sur l’échec partiel du premier essai de la capsule, qui doit devenir
l’un des deux transports américains pour l’ISS,

assurant que l’équipage aurait pu prendre le relais du logiciel défaillant. Les deux partenaires envisageaient même de passer directement au premier test habité. Ce qui n’a pas empêché le constructeur de provisionner 410 millions de dollars supplémentaires pour financer un éventuel deuxième vol à vide.

L’agence spatiale a changé de ton à la suite du rapport de ses experts. Au cours d’un point presse vendredi, elle a accusé Boeing de n’avoir pas repéré « des pannes […] alors qu’elles étaient détectables », qui auraient pu « conduire à une perte de la capsule ». « Ces problèmes ne sont probablement que des symptômes d’un problème plus immédiat, a asséné Doug Lavero, responsable des vols spatiaux habités au sein de la Nasa. Notre surveillance a été insuffisante. Nous le reconnaissons et je pense que c’est un bon apprentissage pour nous. »

L’affaire est désormais bien mal engagée pour Boeing alors que le programme Starliner compte déjà deux ans de retard et subi de plus en plus
de critiques sur sa pertinence économique.

Boeing travaille déjà « sur bon nombre de correctifs »

Ce signal d’alarme fait aussi un écho malvenu aux graves problèmes rencontrés par le géant de Seattle avec le 737 MAX. Le logiciel de son moyen-porteur, qui comprend notamment le système anti-décrochage MCAS, impliqué dans les accidents mortels de Lion Air et Ethiopian Airlines, n’a toujours pas été validé par les autorités aéronautiques.

Pour éviter de voir l’histoire se répéter dans le spatial, le constructeur a déclaré dans un communiqué qu’il acceptait les « suggestions » des experts et affirme avoir commencé à travailler « sur bon nombre de correctifs recommandés, y compris la revérification du code logiciel de vol ». Il précise que le nouveau bug dévoilé était « un problème de cartographie des vannes » de carburant. « Ce qu’il aurait pu provoquer reste incertain », souligne-t-il.

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